L’appel du mollah Mohammad Yaqoub avait été un catalyseur de haine. Lobsang se confia à Tenzin : “Je pensais être préparé à affronter la barbarie, mais rien ne pouvait m'armer contre l'horreur déclenchée par l'ordre du mollah Mohammad Yaqoub, intimant l’ordre aux Pachtounes de “nettoyer Bamiyan de sa population Hazara”.
À mesure que les tensions s'intensifiaient, le mollah accusa publiquement les Hazara de sabotage au profit de l’Inde.
Le mollah avait fait paraître une ordonnance stipulant que les Hazaras devaient quitter Bamiyan dans les quarante-huit heures. Après quoi, dès les premiers signes d'alerte, fleurissent un peu partout dans toutes les rues de la ville, sur les murs, les palissades et tous les édifices publics des affiches diabolisant les Hazaras comme des traîtres agissant pour le compte de l'Inde.
À mesure que les tensions s'intensifiaient, le mollah accusa publiquement les Hazara de sabotage au profit de l’Inde. Les milices Pachtounes se déployèrent, organisant des rondes pour visiter les maisons des Hazara, réquisitionnant des jeunes pour creuser des fosses communes au nord de Bamiyan.
L'accalmie de la première nuit fut trompeuse. De nouvelles affiches en Pachto, encore plus virulentes, proclamaient : “Pachtoune ! chaque Hazara tué protège le prophète de l’invasion indienne.” La violence s'intensifia rapidement. Une unité de miliciens Pachtounes parcourait les quartiers de Tulwara, incitant les civils Pachtounes à s’en prendre aux Hazara.
Des signes d'exclusion apparurent partout, aux fenêtres, sur les murs, le long des barrières, annonçant qu’aucun Hazara ne vivait ici. Les premières victimes furent rapidement comptées.
Un milicien Pachtoune, pris l'initiative d’arrêter un groupe de trois Hazara, les accusant de trahison et de les traîner au quartier général de la police. Bien que jugés innocents et libérés. Les agents, sous prétexte de les escorter, leur tirèrent dessus. L’un des hommes succomba, un autre fut blessé, et le troisième s’enfuit. Le lendemain, le même milicien tua froidement cinq autres Hazaras.
La situation s'aggrava rapidement. Des perquisitions systématiques étaient organisées dans les foyers Hazara, avant que l'ordre ne soit donné par les hauts responsables talibans d'évacuer tous les Hazaras de la région vers des lieux indéterminés.
La violence se propagea comme une traînée de poudre. Des groupes de miliciens Pachtounes envahirent les demeures des Hazaras, pillant et brutalisant leurs habitants. À Haidar-Abad, une action punitive fut menée contre les Hazaras accusés d’être des agents de l'Inde. Des unités talibanes, dépêchées pour soumettre la vallée, exécutèrent sur place plus d’une centaine de Hazaras. Une partie fut enterrée dans une fosse commune qu’ils avaient été forcés de creuser eux-mêmes, après une nuit d’horreurs où soldats talibans brutalisèrent et violèrent femmes et jeunes filles hazaras.
La chasse aux prétendus espions s'intensifia. Le Mollah Yacoub menait la traque dans le secteur de Sayd-Abad, épaulé par une unité talibane infiltrée depuis peu. Ils se livraient à des recherches et pillages, assassinant plusieurs commerçants Hazaras sur leur passage.
La nuit tombée, prétexte fut trouvé pour déclencher le massacre. À travers la vallée, deux explosions, faussement attribuées à des groupes armés Hazara, déclenchèrent une spirale de violence. Miliciens Pachtounes et talibans s'en donnèrent à cœur joie, torturant et tuant des Hazaras, pillant leurs maisons sous prétexte de recherche d'explosifs.
Le lendemain matin, la population découvrit un tableau macabre. Un commerçant Hazara, propriétaire d'un restaurant réputé, pendu au toit de sa maison. Lorsque l'ordre fut donné d'évacuer les Hazaras de Bamiyan, des hordes de citoyens investirent chaque foyer Hazara. En théorie, l'objectif était de les contraindre à se diriger vers l'aéroport militaire, mais en réalité, nombreux furent abattus sur place, chez eux ou devant leur porte.
D'autres furent massacrés en chemin, par des soldats ou civils armés de pierres, fouets, barres de fer. Pendant ce temps, des véhicules arborant les drapeaux de l'émirat diffusaient des anachid via haut-parleurs, exacerbant la violence.
La population, galvanisée par la propagande et des rumeurs, comprenait paysans, petits commerçants, et artisans. Tous participèrent au massacre, armés de gourdins et de haches, frappant et pillant sans merci, dépouillant même les victimes de leurs vêtements et chaussures. Quel que soit leur statut social, tous soutenaient les patrouilles talibanes dans leur chasse aux Hazaras.