Bien que de confession ismaélienne, Lobsang était féru de théologie bouddhiste et avait appris tous les plus grands textes du Mahāyāna. Dépositaire d’un immense savoir religieux, il avait lu l’intégralité des textes traduits par le moine Xuanzang qui avait joué un rôle clé dans la propagation du bouddhisme en Chine à travers l'Asie centrale.
Une interprétation ésotérique du Coran
La famille de Lobsang appartenait à une longue lignée qui se confondait avec la diffusion de la foi ismaélienne dans le Wakhan. Du sang Perse, Tadjik et Wakhis coulait dans les veines de ses ancêtres. La famille de Lobsang était vraisemblablement arrivée dans le Wakhan aux côtés des armées du calife Hârûn ar-Rachîd au IXe siècle. Cette époque fut marquée par la conquête du Pamir par les forces arabes, entraînant la disparition du zoroastrisme et favorisant l’expansion de la foi ismaélienne.
Après l'an mil, la foi ismaélienne, qui avait commencé à se diffuser largement en Asie centrale, était caractérisée par une interprétation ésotérique du Coran, notamment chez les Ismaéliens du Pamir. Cette communauté, subsistant en toute discrétion a rassemblé plusieurs dizaines de millions de fidèles. Malgré les persécutions qu'ils subissaient, ils continuaient de vénérer leur chef spirituel, l’Aga Khan. Le père de Lobsang, le prince Karim al-Hussaini, quatrième Aga Khan, était le symbole vivant de cette continuité historique.
Lors d’un premier mariage avec la princesse Wakhis Salimah Aga Khan, son père eut trois enfants dont Lobsang, ils grandirent sur les bords du lac Léman jusqu’au divorce de leur parent. Lobsang décida alors d’aller retrouver sa famille originaire de Tashkurgan dans le Turkestan chinois à la croisée du Pakistan et de l’Afghanistan, et ne revint jamais.
Bien que d’origine Wakhis, il avait grandi à l’ombre de ses racines, méconnaissant la dureté de la vie de ces régions isolées d'Asie centrale. À Tashkurgan, auprès des Wakhis qui le tenaient en grande estime, voir comme une divinité, il apprit les réalités de la vie dans ces régions reculées. Beaucoup de Wakhis percevaient en lui un possible successeur à l’Aga Khan.
Lobsang poursuivit son éducation religieuse dans une madrasa de Kashgar. Même si les Ouïghours étaient majoritairement sunnites, contrairement aux Wakhis et aux Tadjiks, ils faisaient preuve d'une certaine tolérance envers eux. Ces derniers avaient même l'autorisation de dispenser des prêches dans certaines mosquées de la ville.