Les Wakhis de Kashgar, accordaient une grande estime à Lobsang, fils de l’Aga-Khan. Sa position privilégiée lui conférait une influence notable, facilitant l'assemblée des siens. L'information, transmise discrètement pour échapper à la vigilance de la police chinoise, avait rapidement circulé.
Lorsque la foule se rassembla dans la cave, une atmosphère de panique se dégageait. Des petits groupes se formaient, et des murmures nerveux s'échangeaient d'un coin à l'autre de la pièce.
La scène semblait irréelle, un tableau vivant animé par la rumeur des voix, les odeurs âcres, les piétinements
Lobsang se tenait près de la terrasse, entouré des hommes les plus jeunes. Dans la pâle clarté des lanternes, la scène semblait irréelle, un tableau vivant animé par la rumeur des voix, les odeurs âcres, les piétinements.
Tenzin, de l’autre côté de la terrasse, observait en silence, empreint de dignité. Lorsque Lobsang s’avança, un chemin s’ouvrit dans la foule jusqu’à l’estrade. Il le parcourut, absorbé dans ses pensées.
Les jeunes gens s’écartèrent respectueusement à son approche. Sur leurs visages, Lobsang ne lisait pas la moindre angoisse, ce qui l’irrita brièvement. “C’est un imposteur !” hurla une voix.
Des murmures et des chuchotements s’élevèrent. Lobsang attendit que le silence revienne. Après quelques toussotements et piétinements, le calme revint dans la cave. Il leva la tête, sa voix résonnant dans toute la salle. “Réveillez-vous”, dit-il.v
Il brandit l’ouvrage de Xuan Zhang, pensant à la portée du message qu’il contenait. Tenzin l’avait déniché au bas d’une étagère des archives de la mosquée Id Kah. Le texte établissait un lien direct entre l’éveil des pèlerins et une force mystérieuse dans les entrailles des grottes de Bamiyan.
“Vous pensez que le moment est au renoncement !” lança-t-il. Avant que la foule ne puisse répondre, il ajouta avec fureur, “Croyez-vous que vous ressortirez indemnes de ces camps d’internement qui ouvrent partout au Turkestan ?” Un silence stupéfait s’abattit.
“Oui, mais que voulez-vous faire d’autre ? Certains ont fui au Pakistan ou au Tadjikistan, mais beaucoup en reviennent…” lança une voix incertaine. Lobsang répliqua d’une voix sèche, scrutant les émotions de l'assemblée : “Je ne vous parle pas de fuir.”
Une voix pleine de colère s’éleva du fond de la cave : “C’est vrai, à la fin, vous nous dites de ne pas nous soumettre, mais que nous reste-t-il d’autre à part quitter le pays ?”
Des cris d’approbation retentirent. “Il n’est pas question d’imposer mes choix à quiconque”, dit Lobsang calmement. Il reprit la parole : “Chacun fera son choix en âme et conscience, mais d’abord vous m’écouterez.” Le silence se fit.
“Je sais que beaucoup d’entre vous envisagent de quitter Kashgar pour la vallée de la Hunza ou le Badakhchan,” commença Lobsang, captant l'attention de tous. “Mais je vous propose une autre direction : l'Afghanistan.” Les murmures cessèrent brusquement, tous les regards convergèrent vers lui, le silence devenant encore plus pesant.
“Plus précisément, la vallée de Bamiyan, où les veines de la Terre elle-même ont le pouvoir d'amplifier la conscience.” Il se dressa sur la pointe des pieds, scrutant la foule.
“Bamiyan est plus qu'un sanctuaire. C'est une porte vers des états de conscience supérieurs, un aimant pour les âmes en quête de vérité et d'éveil,” poursuivit-il, sa voix s'élevant au-dessus du silence attentif. L'air vibrait d'excitation et de curiosité. “Je vous invite à vous joindre à ma quête. Nous ne partons pas seulement à la découverte de cette énergie, mais aussi pour participer à une légende et, peut-être, trouver un nouveau chemin pour notre peuple.”
Son regard parcourut l'assemblée. “Je ne peux promettre un chemin facile, ni la certitude de trouver ce que nous cherchons. Mais je vous promets une aventure qui pourrait transformer nos vies, et qui sait, l'histoire de notre peuple. La décision de nous accompagner doit être personnelle et mûrement réfléchie.” Un silence lourd s'abattit. Dans ce silence, Lobsang sut que son appel avait trouvé un écho auprès des siens. D’un geste vif, Tenzin brandit son poing et le pointa vers Lobsang. “Je suis des vôtres !”
Une assourdissante rumeur emplit la cave, répercutée par l’écho. “Wakhis, unissons-nous !” Quand le silence revint, Lobsang se tourna vers la foule et dit : “Y a-t-il d’autres braves dans cette assemblée ?”
Une dizaine de personnes se portèrent volontaires, mettant un genou à terre et dirigeant leur poing vers Lobsang. “Nous vouerons nos corps et nos âmes à la quête de Lobsang aussi longtemps que coulera notre sang,” prononcèrent-ils.
Quand tout fut fini, les volontaires quittèrent l’assemblée pour décider ensemble de l’itinéraire. Un trappeur tadjik les accompagnerait jusqu’à la frontière.
“Il faut traverser les montagnes du Pamir jusqu'au col du Wakhjir. De là, vous pourrez entrer en Afghanistan par le corridor du Wakhan, la région est peuplée de tribus Wakhis, ils sauront nous montrer la route à travers le corridor,” expliqua Lobsang, déterminé.