Lors d'une matinée glaciale, en quittant Kashgar, leurs yeux se posèrent une dernière fois sur le mausolée d'Abakh Khodja qui se découpait majestueusement sur le ciel bleu saphir. Les céramiques vertes de son dôme, brillaient sous les premiers rayons du soleil. La route du karakorum les emporta loin de la ville. Dans la platitude du plateau désertique qui les enveloppait, les villages traversés ressemblaient à des mirages. En approchant du bourg d’Oytak, les collines de plus en plus imposantes, guidaient la troupe le long de la rivière Ghez et à travers le canyon qui menait au col du Wakhjir.
Le canyon de Ghez, façonné de montagnes de sable et de gravier, était dominé par des rochers menaçant de s’écraser. Les falaises, érodées en douces ondulations, dissimulaient des grottes bouddhiques et quelques nécropoles.
Le Mustagh-Ata se détachait de plus en plus nettement
En sortant du canyon, une émotion palpable se répandit parmi le groupe "Regardez là-bas ! Les premières cimes enneigées," s'exclama Tenzin pointant le Konghur et le Mustag Ata. Les glaciers qui surplombaient le canyon semblaient être suspendus, comme s'ils étaient sur le point de s’effondrer.
La route, qui portait les stigmates du temps, seules quelques yourtes appartenant à des pasteurs nomades kirghizes trahissaient une présence humaine dans ces étendues. "Nous ne sommes pas seuls dans ces terres", remarqua Sonam, un des éclaireurs du groupe, "la vie trouve toujours un chemin, même ici."
A mesure de leur progression, le Mustagh-Ata se détachait de plus en plus nettement. Isolé, seul, blanc immaculé, une montagne de glace, un grand dôme de neige. Après une marche éprouvante, le lac Karakul se déploya devant eux, oasis bleu turquoise parmi la neige et le sable. Devant ce paysage splendide, ils choisirent de faire une courte pause. Un kirghize, au regard marqué par le vent et le soleil, s’approcha avec son chameau, les saluant chaleureusement. "Vous venez de loin", dit-il en observant leurs visages fatigués. "La route est aussi belle qu'éprouvante, n'est-ce pas ?".
La suite du voyage les mena vers Tashkurgan, chef-lieu de l’arrondissement autonome tadjik. Le paysage verdoyant et marécageux contrastait avec l’habituelle aridité des environs. Lobsang consulta sa carte une fois arrivé près de Kalachik ou la piste menait au col Wakhjir et vers l’Afghanistan. "La route bifurque ici. Il nous faut être prudents à l'approche du poste militaire."
À la tombée de la nuit, Lobsang et son équipe contournèrent le poste militaire de Pirali qui verrouillait l'accès au col.
Après plusieurs jours de marche, alors que leurs pieds endurcis par le froid s'enfonçaient dans la neige, ils virent le col du Wakhjir se dessiner devant eux, une vague de soulagement les envahit. Ce col ouvrait l'accès au corridor du Wakhan. “C'est là que tout commence”, murmura Lobsang, son regard fixé sur le col, son cœur empli d'espoir et d'appréhension.