S'étendant sur cinq kilomètres, Bamiyan déployait une mer de yourtes blanches et grises jusqu'aux falaises abritant les bouddhas. Les tentes des officiers se distinguaient plus nettement à mesure que l’on se rapprochait de la ville. La yourte du général Ouldarai était beaucoup plus grande que les autres, blanche et majestueuse, elle se dressait fièrement au centre d’une élévation, offrant une vue dégagée sur l’horizon. Tout autour de la tente, des dizaines de commis affairés s'animaient dans ce qui ressemblait presque à une chorégraphie.
Bamiyan dévorait la vallée, en étendant sans fin ses quartiers de yourtes
Surplombant la cité, les majestueux Bouddhas se dressaient, veillant tels des sentinelles silencieuses sur les habitants en contrebas. La promesse d'une vie meilleure attirait des paysans de toutes les provinces. Au loin on apercevait des bataillons de chevaux de guerre paître dans les terrains en friche. Entre les combats, les montures étaient conduites au repos dans les faubourgs de la ville. Ces chevaux se mêlaient à d'autres, fraîchement arrivés de la vallée de la Ferghana. Tandis que les chevaux reprenaient des forces, les cavaliers reconnaissables à leurs tuniques mi-longue et leurs bottes en feutre, s'entraînaient au tir.
Bamiyan était un mélange de yourtes blanches et grises abritant près d’un million d'habitants, contre quelques milliers il y a à peine deux ans, la plupart vivaient dans des campements de yourtes.
Dans la vallée à perte de vue, le tissu urbain se densifiait, avec ses pavillons aux toits pointus et multicolores. Certains avaient ajouté autour des yourtes, des cabanes servant de pièce annexe.
Dans les quartiers les plus excentrés on pouvait entendre le bêlement d’un mouton ou le hennissement d’un cheval. L’intérieur de l’enclos n’était guère entretenu. Seul le portail faisait l’objet d’une certaine attention, il était peint en bleu ou vert et décoré de motifs traditionnels.
C’est ainsi que Bamiyan dévorait la vallée, en étendant sans fin ses quartiers de yourtes jusqu’au falaises qui dominaient la plaine. Les allées étaient en terre, il n’y avait pas d’eau courante, ni d’égout. Les pluies d’été creusaient des ravines. Anciens nomades, ou fils d’agriculteurs, tous se claquemuraient, déterminés à ne plus bouger de leur parcelle de terre.
Tout sujet de l’empire se voyait attribuer une parcelle de terre inoccupée, là où il plantait sa yourte. Cette distribution des terres mise en place après la chute des talibans, avait favorisé l’exode vers Bamiyan de dizaines de milliers de nomades. La nouvelle capitale siphonnait tout à son profit.